Il est 5 heures. Les murs murmurent, murmurent les promesses du temps à qui sait les entendre. Elles parlent des fantômes qui les habitent. L'espace se brise et des époques révolues affleurent à la surface les unes après les autres. Des strates de paysages apparaissent sur les murs du Kasuga Taisha. Une biche. Sur les murs du temple de Nara, en nappe flottante, de la terre et des eaux monte la vérité. Des gouttes suintent du mur en flocons blancs et doux comme des perles de larmes. Dans le vertige des échelles, le caillou devient montagne. Est-ce une sculpture, est-ce un tableau ?

Il était 5 heures à Nara lorsqu'entre souffle et murmure, la pierre fantôme s'est réveillée. Emmanuel Fillot a écouté ce son qui l'a accompagné tout au long du voyage. De retour à Paris, dans son atelier, il écoute John Cage : « In a Landscape ». Les photographies du mur de Nara se transforment en un paysage où se promènent les « nomades égarés du grand rêve ». Les pierres s'y assemblent parfois vêtues d'un voile translucide.

« J'aime bien quand on ne sait pas » dit Emmanuel Fillot.

Lélia Mordoch