Gérard Delafosse
"Table Rase"
30 novembre 2001 > 2 février 2002
Pourquoi Gérard Delafosse a-t-il choisi le verre comme support ?
La fragilité fait partie intégrante du travail de Gérard Delafosse. Il en joue comme d'un paradoxe, verre sur verre collés et joints comme deux mondes qui se superposent. L'éclat du verre brisé, dompté, apprivoisé, remplace pour lui la nudité de la toile. Il plonge dans le néant dans un travail de déstructuration et de restructuration propre à l'abstraction ; le verre lui offre la perfection de sa transparence, la noblesse de ses jeux de reflets et de miroirs, vitrine de son regard, il lui donne la faculté de construire sur le vide. Peindre le vide, c'est marcher sur une corde raide où l'éternelle question du "pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ?" se repose à chaque trace d'encre. Gérard Delafosse sonde le vide, funambule du filigrane, il gomme jusqu'à l'essentiel pour retrouver un équilibre dans la force d'une calligraphie qui atteint à la perfection. Il suggère un espace onirique dont les échos s'imposent à l'œil du spectateur tout en lui laissant la liberté de se perdre dans les méandres des superpositions de traces, de collages, de papiers, d'encres, qui ne font que jouer des transparences déjà suggérées par leur support premier : le verre. Une empreinte digitale noire, un point jaune, les contours bleus inachevés d'un cercle et c'est tout un univers fait de force et de poésie qui se dévide sous nos yeux.
Le travail de Gérard Delafosse ne renvoie qu'à lui. Oubli, mémoire, persistance des thèmes et des couleurs, des supports, Gérard Delafosse est fidèle à lui-même dans une vision globale qui trouve sa source dans l'univers du quotidien, du chemin, de la maison, de la trace qui s'efface
Les portes ne s'ouvrent sur rien, les échelles se perdent comme les escaliers dans un devenir incertain où subsistent ses couleurs fétiches. Il évite le centre dans le déplacement de ses objets toujours simples qui semblent flotter dans l'espace, émerger du néant dans un jeu de miroir. Peu à peu, il dessine son histoire face au monde, définit sa place, toujours ailleurs dans un univers en devenir. Comme les titres de ses expositions et de ses livres : Repère/Oubli stratégique/Eléments de précision/Escalade/Table rase, ses œuvres se répondent, forment un tout dont la continuité se dévoile comme les collines d'extrême-orient apparaissent dans la brume de l'aube sur les estampes chinoises.
Lélia Mordoch, octobre 2001 |