Histoire de lumière Il va avoir quatre-vingt ans, quatre fois vingt ans, mais il sonde le monde de ses yeux bleus et pénétrants pour en révéler les mystères avec passion et se lance avec enthousiasme dans l’aventure de la vie comme si le souffle des ans l’avait épargné. Grand, svelte et charmeur, entouré de ses œuvres, toujours de nouvelles toiles et de nouvelles sculptures en cours de réalisation, la tête bourrée de projets qu’on pourrait croire mégalomanes s’il ne les réalisait pas méthodiquement les uns après les autres, Julio Le Parc est devenu une des figures majeures de l’art contemporain. Il garde intacte la flamme qui a poussé le jeune adolescent de Mendoza, qui a du commencé à travailler à 14 ans, toujours plus loin tout autour de la terre sur les chemins de la création artistique. De Mendoza à Buenos Aires, et en 1958, de Buenos Aires à Paris grâce à une bourse d’étude, il se bat pour une société meilleure et croit en « la cité lumière qui, par la force motrice créée par l’homme, vaincra l’obscurité de la mort. » Comment mieux illustrer le mouvement que par la lumière ? Julio Le Parc donne à ses créations la grâce majestueuse de la simplicité d’une géométrie de la lumière, il la domine en l’incarnant. Des figures précises se succèdent dans ses boîtes noires dont elles fusent au moment où naît la télévision. La lumière produit de la chaleur et peu à peu les petits carrés miroirs se mettent à bouger de plus en plus vite et les ombres se meuvent dans l’espace magique. Julio Le Parc remplace le pinceau par le rayon lumineux : arrêtez le mouvement et le rayon se fige dans sa fulgurance. Art optique ? Art cinétique ? Certainement mais surtout art poétique, poétique et ludique à la portée de tous, dont le sens s’impose en dehors de toute culture pour le plus grand bonheur du spectateur dont il ne faut jamais négliger la jubilation. La lumière transperce l’espace, forme paradoxale de l’art cinétique, elle s’associe aux sons que forment les étranges mécanismes d’une technologie qui relève aujourd’hui de l’archéologie. Bien avant la vidéo et l’univers de l’écran-plasma, de la multiplication sociale de l’image, les boîtes à lumière de Julio Le Parc apparaissent comme les ancêtres dépouillés de l’art pixélisé né de l’informatique. Plastique et plurielle, l’instabilité visuelle de la lumière telle qu’il la modèle permet la perception d’un espace temporel. Le chant de lumière de Julio Le Parc répond dans sa dimension sidérale aux formes mouvantes de ses sculptures comme les éclairs précèdent le tonnerre dans une nuit d’orage transpercée par la foudre. Les boîtes à lumière de Julio Le Parc ont incontestablement une place dans l’histoire de l’art mais elles font aussi partie de l’histoire universelle de la lumière dont on commence à peine à révéler le mystère.
Lélia Mordoch
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